Figure incontournable de la scène avant-gardiste de Chicago au début des années 60, Jack DeJohnette a ensuite contribué à quelques classiques du post-bop chez Blue Note et a participé à l’émergence du jazz-rock aux côtés de Miles Davis, Charles Lloyd et Miroslav Vitous. Il a quasiment été le batteur attitré du label ECM Records au milieu et à la fin des années 70 et y a également enregistré plusieurs albums solo très appréciés.

Son trio Standards, avec Keith Jarrett et Gary Peacock, était à l’avant-garde du mouvement néo-traditionaliste des années 1980. Il recruta ensuite les stars de M-Base, Greg Osby et Gary Thomas, pour son propre groupe d’avant-fusion à la fin des années 1980. Il participa ensuite, dans les années 1990, au renouveau du jazz chez Blue Note/Verve, à des collaborations avec John Scofield, Betty Carter, Michael Brecker, Herbie Hancock et Joe Henderson.

Pour beaucoup, la sainte trinité de la batterie jazz moderne est composée d’Elvin Jones, Tony Williams et Jack DeJohnette. Ce dernier s’est d’abord inspiré de ces trois maîtres, avant de développer un style totalement unique, reconnaissable dès la première mesure. Il possédait un don exceptionnel pour insuffler vie à la musique et la propulser, galvanisant les solistes grâce à ses roulements précis à sept coups sur la caisse claire et les toms (il privilégiait toujours une batterie imposante, intégrant des cymbales particulièrement « sèches » et des sonorités inhabituelles, des ajouts comme des cloches et des carillons).

La fameuse approche « orchestrale » de DeJohnette à la batterie puisait bien sûr son origine dans son excellent jeu de piano. Grand et doté d’une présence physique incroyablement décontractée derrière ses fûts, il était pourtant capable de maintenir un volume sonore élevé pendant de longues périodes – écoutez par exemple son interprétation magistrale de vingt minutes de « What I Say » de Miles Davis.

Il est fort probable que DeJohnette figure dans le top 20 de la plupart des fans de jazz ; sinon, voici quelques-uns de ses morceaux de batterie incontournables pour égayer toute collection de disques.

Herbie Hancock : “The New Standard” (1996)

Herbie Hancock

Herbie Hancock The New Standard

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Jack se livre à un duel endiablé avec le pianiste sur le morceau uptempo « New York Minute », et son groove introductif aux accents latins, qui débouche sur un bebop effréné sur « You’ve Got It Bad Girl », est tout simplement époustouflant. Il s’attaque même à un beat funk/rock simple mais percutant sur « Thieves In The Temple ». En définitive, il s’agit sans doute du jeu le plus raffiné de DeJohnette sur disque : entraînant et d’une précision chirurgicale.

Jackie McLean : « Jacknife » (1966)

Jackie McLean

JACKIE MCLEAN Jacknife

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Un premier triomphe pour DeJohnette sur ce classique de Blue Note. « On The Nile », « Blue Fable » et « Soft Blue » le montrent pleinement dans son style Elvin, tandis que le morceau titre et sa propre composition « Climax » sont du bebop à la vitesse de l’éclair.

Kenny Wheeler : « Gnu High » (1975)

KENNY WHEELER Gnu High

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L’album du trompettiste et bugliste canadien est une référence du label ECM du milieu des années 1970, et la présence de DeJohnette y contribue largement. Rien dans le jazz n’égale le swing valse miraculeux et aérien du morceau d’ouverture « Heyoke », où DeJohnette s’affranchit des temps forts ; Wheeler répond par l’une de ses interventions les plus puissantes jamais enregistrées, et Keith Jarrett savoure l’espace qui lui est offert pour livrer un solo classique et rhapsodique. DeJohnette apparaîtra plus tard sur l’album de Wheeler…
Album ECM de 1985 « Double, Double You », avec également Michael Brecker au saxophone ténor.

Jan Garbarek : « Lieux » (1978)

Jack captive avec sa cymbale ride plate et son rythme 4/4 fluide et précis, sa marque de fabrique, accompagné du superbe saxophoniste norvégien Bill Connors à la guitare et de John Taylor à l’orgue et au piano. Écoutez son incroyable performance vers la fin de « Going Places », où il entraîne Garbarek dans l’un de ses solos les plus électrisants. Ce fut une période faste pour Jack chez ECM, avec des contributions majeures également sur des albums de Bill Connors, Ralph Towner et Terje Rypdal.

Pat Metheny : « 80/81 » (1981)

pat metheny - 80 81 - album cover

PAT METHENY 80/81

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Dans son récent hommage à Jack sur Substack, Ethan Iverson soulignait son amour du rock et sa capacité à marteler les rythmes avec une force implacable. De fait, DeJohnette propulse presque « Every Day (I Thank You) » dans le registre du rock mid-tempo, mais son sens du rythme et son utilisation des cymbales élèvent le morceau bien au-delà des productions habituelles. Ailleurs, son swing exemplaire sur « Turnaround » suscite une ovation finale du bassiste Charlie Haden.

Keith Jarrett / Gary Peacock / Jack DeJohnette : « The Cure » (1994)


Un condensé de batterie classique : on retrouve le rythme Second Line typique de la Nouvelle-Orléans sur « Bemsha Swing », et le swing percutant qui martèle « Woody’n’You ». Mais le véritable tour de force réside dans ses solos sinueux tout au long du blues lent « Things Ain’t What They Used To Be », où il semble distordre le temps lui-même.

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Pat Metheny

Matt Phillips est un auteur et musicien londonien dont les articles ont été publiés dans Jazzwise, Classic Pop, Record Collector et The Oldie. Il est l’auteur de « John McLaughlin : From Miles & Mahavishnu to the 4th Dimension » et de « Level 42 : Every Album, Every Song ».


Image d’en-tête : Jack DeJohnette. Photo : Peter Gannushkin / ECM Records.