Réputé pour ses pitreries et son côté souvent loufoque sur scène, celui que sa mère appelait John, mais que le reste du monde surnommait Dizzy, semblait tout faire pour être à la hauteur de son nom. Mais au-delà de son caractère et de ses pitreries, il y avait l’un des plus grands esprits et talents de l’histoire du jazz.

Dizzy Gillespie
Dizzy Gillespie. Photo : Archives Michael Ochs/Getty Images.

La trompette à pavillon courbé, symbole de Dizzy Gillespie, est le fruit d’un accident, devenu une légende. Un ami du maestro s’assit accidentellement sur son instrument et le courba, ce qui poussa Dizzy à préférer le son obtenu. Il fit alors fabriquer des instruments sur mesure avec un pavillon courbé, créant ainsi ce qui devint sa marque de fabrique.

Enregistré lors de deux sessions live dans un club de Los Angeles en 1967, « Swing Low, Sweet Cadillac » capture Dizzy dans toute sa splendeur excentrique et électrisante. Pourtant, il peut passer inaperçu dans son répertoire, vaste, varié et, à bien des égards, révolutionnaire.

Sur « Swing Low, Sweet Cadillac », Dizzy est au sommet de sa forme, mais aussi en pleine transition. Ses précédents albums live, comme son fulgurant « Dizzy Gillespie at Newport Release » de 1957, sont souvent gâchés par une qualité sonore médiocre, laissant les lignes de trompette rauques et abrasives, incapables de restituer toute la plénitude du groupe. Aucun de ces défauts n’affecte « Cadillac », qui présente un puissant quintet. Aux côtés de la trompette et du chant de Dizzy lui-même, son collaborateur de longue date, James Moody, est aux saxophones ténor et alto, à la flûte et au chant. Le piano est assuré par Mike Longo, et la section rythmique est composée de Frank Schifano à la basse et d’Otis « Candy » Finch à la batterie.

Au cœur de ce set live, source de nombreux moments électrisants, se trouve la relation entre Dizzy et Moody. L’incroyable « Kush » en est un parfait exemple : un morceau de seize minutes qui clôt le concert. S’ouvrant sur un extrait de Gillespie expliquant au public que le morceau est « inspiré et en hommage à la Mère Afrique », le morceau s’ouvre sur une flûte frétillante mais puissante de Moody, avant de se transformer en une masterclass bop fulgurante. Les deux musiciens tissent des formes dans l’air l’un autour de l’autre, tandis que le piano de Longo résonne, soutenu par la basse et la batterie de Schifano et Finch.

Dizzy Gillespie et James Moody
Dizzy Gillespie, James Moody et Howard Johnson, Downbeat, New York, NY, vers août 1947, vers 1970. Photo : William P. Gottlieb / Bibliothèque du Congrès.

Au moment de l’enregistrement de « Swing Low, Sweet Cadillac », Dizzy était déjà bien avancé dans sa carrière. Le grand Wynton Marsalis le décrira plus tard comme « tellement vif d’esprit qu’il pouvait créer un flot incessant d’idées à un rythme inhabituellement rapide », ajoutant que « personne n’avait jamais envisagé de jouer de la trompette de cette façon, et encore moins essayé ». Le génie et le style extravagant de Marsalis transparaissent pleinement sur ce live. Aux côtés du très ample « Kush » mentionné plus haut, l’auditeur a droit à une véritable leçon de trompette sur « Bye », un morceau qui, malgré sa durée de moins d’une minute et demie, offre un groove percutant et un solo puissant.

Le morceau éponyme illustre parfaitement les deux personnages principaux de Gillespie. L’artiste décalé est là, riffant avec brio le morceau source de « Swing Low, Sweet Chariot », tandis que le maître du jazz virtuose propulse le tout vers des sommets grâce à ses improvisations. L’intro du morceau est également remarquable pour le chant qui l’ouvre, interprété par l’artiste lui-même et Moody, dans un mélange de yoruba et d’anglais – un clin d’œil évident au pionnier afro-cubain Chano Pozo.

Ce coffret compact de cinq titres met en valeur un artiste en pleine transition. Outre ses influences afro-cubaines, Dizzy joue avec des sensibilités pop et brésiliennes. La première est illustrée par une reprise de « Something in Your Smile », un titre pop composé par Leslie Bricusse et popularisé par Tony Bennett. Si la voix de Dizzy sur ce morceau n’égale peut-être pas celle de l’interprète le plus connu pour ce morceau, elle dégage une touche attachante et charmante.

Les influences brésiliennes grandissantes de Gillespie sont mises en avant dans l’adaptation brûlante de « Mas que Nada (Pow, Pow, Pow) » de Jorge Ben. Conservant le style latin de l’original, le groupe de Dizzy apporte une touche bop à ce morceau, créant l’un des moments les plus mémorables du disque.

Dans une carrière riche en moments forts, on pourrait facilement passer à côté de « Cadillac », mais ce serait dommage pour les amateurs de jazz. Sur une durée relativement courte, l’auditeur a droit à un enregistrement de haute qualité d’un artiste tenant son public au creux de sa main, adaptant son art au monde qui l’entoure. On peut imaginer ce que cela a dû être d’être parmi le public lors de l’un ou l’autre des concerts qui composent ce concert extraordinaire.

Dizzy Gillespie

DIZZY GILLESPIE Swing Low, Sweet Cadillac

Available to purchase from our US store.
Acheter

LIRE LA SUITE…

Quincy Jones


Andrew Taylor-Dawson est un écrivain et spécialiste du marketing basé dans l’Essex. Ses écrits musicaux ont été publiés dans UK Jazz News, The Quietus et Songlines. En dehors de la musique, il a écrit pour The Ecologist, Byline Times et bien d’autres.


Image d’en-tête : Dizzy Gillespie, 1963. Photo : David Redfern/Redferns.