Au tournant des années 1970, le trompettiste de Détroit Donald Byrd s’est révélé encore plus polyvalent que ne le soupçonnaient les fans et les critiques, alors qu’il commençait à passer du hard bop au jazz-funk, avant de se lancer dans une série d’albums soul-jazz et fusion qui définiraient le genre pour Blue Note.

Lorsqu’il décide de s’associer à l’équipe de production Sky High des frères Mizell sur la côte ouest, Byrd sait qu’il est sur la bonne voie musicale. Il rencontre Fonce et Larry Mizell à l’université Howard, où il est professeur de musique. Fonce Mizell fait ses armes chez Motown avec les Jackson 5, et lorsque son frère Larry rejoint l’équipe avec des synthétiseurs et des équipements audio de pointe, leur esthétique jazz-funk est prête à prendre une nouvelle dimension.

C’était en 1972, Stevie Wonder venait d’acquérir le tout premier ARP 2600, et les Mizell étaient les suivants sur la liste. Larry Mizell attribue à Donald Byrd le mérite d’avoir convaincu Blue Note d’adopter un son plus funky et moderne, et cela a porté ses fruits. « Black Byrd », leur premier album ensemble en 1973, est devenu l’album le plus vendu du label. Sky High a ensuite produit une série d’enregistrements pour divers artistes, de l’organiste Johnny Hammond au saxophoniste Gary Bartz et à la flûtiste Bobbi Humphrey. Parmi cette discographie, six disques de Donald Byrd ont établi la référence de la fusion jazz-funk dans les années 1970 et au-delà.

Après « Black Byrd », leur album concept suivant, « Street Lady », fut mal accueilli par la critique jazz, mais le public s’imprégna instinctivement de l’ambiance. Lorsque le groupe enregistra « Stepping Into Tomorrow » en décembre 1974, ils étaient déjà des vétérans du son, avec une compréhension collective implicite. Une section rythmique exceptionnelle, composée du batteur des Headhunters, Harvey Mason, du légendaire bassiste de studio et habitué de Steely Dan, Chuck Rainey, et du prolifique David T. Walker, garantissait une funk d’une autre dimension. Gary Bartz et une brochette de percussionnistes et de chanteurs apportaient une atmosphère astrale. Tout cela permit aux sessions à la Sound Factory d’Hollywood de transformer le funk dancefloor, soul et cosmique de Donald Byrd en un puissant mélange.

La preuve ne résidait pas seulement dans le funk relâché qui imprégnait l’album, mais aussi dans ses puissantes lignes mélodiques. « Nous étions passionnés par les sons de batterie, les grooves et les lignes de basse, et par la façon de les aborder », a admis Larry Mizell. L’alliance du talent de composition de Byrd, des figures rythmiques épurées et de l’approche obsessionnelle de Mizell en studio a donné naissance à un catalogue riche en sources pour toute une génération de producteurs hip-hop une vingtaine d’années plus tard. Cela a fait de Donald Byrd l’un des artistes les plus samplés d’Amérique, et « Think Twice », le premier single de « Stepping Into Tomorrow », est l’un de ses morceaux les plus marquants. Sa ligne de basse et sa mélodie vocale sont devenues un incontournable du hip-hop, reprises et samplées par des artistes aussi divers que A Tribe Called Quest et Main Source, en passant par Pete Rock, Erykah Badu et J Dilla.

Mais l’attrait universel de « Think Twice » ne s’est pas limité au rythme léger du hip-hop. Il a également été transposé en versions rythmées par des artistes comme le héros de la house new-yorkaise Mike Delgado et le pionnier du footwork DJ Rashad. Carl Craig, à l’origine de la techno, et son projet Detroit Experiment ont également exploité ce rythme mid-tempo, livrant une version définitive en 2002. Craig s’est inspiré de la technique des frères Mizell, qui consistait à doubler les lignes de basse électriques et synthétiques, et a fait appel au batteur Karriem Riggins et au trompettiste Marcus Belgrave pour réinventer « Think Twice » et en faire un incontournable du jazz-house.

Le titre éponyme de l’album a également été le catalyseur de « Shades Of Blue » de Madlib, sorti en 2003, une plongée dans les archives de Blue Note qui a donné lieu à une relecture saisissante de sessions de jazz classiques. Interrogé par Don Was, président de Blue Note, sur le choix des deux morceaux de Donald Byrd qui y figurent, Madlib a simplement admis : « Il fallait absolument que je trouve ce jazz-funk ! »

C’est ce mélange de rythmes funk lourds et de jazz extra-dimensionnel qui est au cœur du son intemporel de Donald Byrd. Il n’est donc pas étonnant que « Stepping Into Tomorrow » figure parmi les albums préférés de Pharrell Williams, producteur et icône de la mode. L’impact de l’avancée jazz-funk de Donald Byrd se fait encore sentir aujourd’hui.

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Max Cole est un écrivain et passionné de musique basé à Düsseldorf, qui a écrit pour des labels et des magazines tels que Straight No Chaser, Kindred Spirits, Rush Hour, South of North, International Feel et la Red Bull Music Academy.

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_{Image d’en-tête : Donald Byrd. Photo : David Warner Ellis.}